Arrêt chambre sociale de la Cour de Cassation du 14 février 2024 n° 22-19.351
Si l’employeur découvre de nouveaux faits fautifs après la convocation à l’entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire, que doit-il faire ?
Selon l’article L1332-2 du Code du travail le licenciement disciplinaire doit intervenir dans le délai d’un mois à compter de la date de l’entretien préalable.
Donc si l’employeur adresse au salarié, dans le délai d’un mois à compter du premier entretien, une convocation à un nouvel entretien préalable en lien avec la découverte de ces nouveaux faits fautifs, c’est à compter de la date du dernier entretien préalable que court le délai d’un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction.
Logiquement pour la Haute juridiction « l’expiration de ce délai interdit à l’employeur de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour les mêmes faits ».
Arrêt chambre sociale de la Cour de Cassation du 14 février 2024 n° 22-22.440
Comment comprendre l’article L1332-5 du Code du travail selon lequel
« Aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction » ?
FAITS :
La lettre de licenciement notifiée le 23 février 2017 était formulée ainsi :
« Ce n’est pas la première fois que nous devons faire face à un comportement inapproprié de votre part. En effet, en janvier 2014, nous vous avions notifié une mise à pied de deux journées suite à une insubordination et un abandon de poste ».
Selon la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, 25-11-2021, n° 18/19556, le salarié avait manqué encore à ses obligations contractuelles (une sanction, mise à pied disciplinaire, avait été prononcée pour iinsubordination et abandon de poste mais plus de 3 ans avant.)
La Cour de cassation censure la cour d’appel car elle a retenu une sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires pour justifier le licenciement.
Arrêt chambre sociale du 7 février 2024 n° 22-15.842
Comment mesurer le temps de travail et comment en apporter la preuve ?
Selon l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail : lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Selon la Cour de justice de l’Union européenne CJUE 14 mai 2019, Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO), C-55/18, point 60 :
En application de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 et de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les Etats membres doivent imposer aux employeurs de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.
La Cour de cassation semble atténuer cette obligation : l’absence de mise en place par l’employeur d’un tel système ne le priverait pas du droit d’établir la réalité et le nombre d’heures de travail accomplies.
Le juge peut ordonner des mesures d’instruction également.
Le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance des heures supplémentaires.
Arrêt chambre sociale Cour de cassation du 26-10-2022 n° 21-14.178
Comment reconnaître une astreinte ou un temps de travail effectif ?
La cour de Cassation estime qu’est du temps de travail effectif les permanences au cours desquelles, le salarié est soumis à des contraintes professionnelles telles
« Qu’elles affectent, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles ».
Cette décision est un simple rappel de la décision de la CJUE 9-3-2021, C-344/19 :
Temps de travail effectif (sens de la directive 2003/88) : période de garde (y compris celles qualifiées d’astreinte) où le salarié se voit imposé des contraintes telles qu’il ne peut gérer librement son temps personnel et ses intérêts propres
Rappel des règles de droit et de la jurisprudence :
Selon l’article L3121-9 du code du travail une période d’astreinte est c une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise
Selon l’article L3121-1 du code du travail la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles
La distinction entre l’astreinte et le temps de travail effectif est fondamentale puisque le régime juridique de ces deux notions diffère radicalement.
Selon l’article L3121-9 du code du travail la période d’astreinte fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos et seule la durée de l’intervention du salarié est considérée comme un temps de travail effectif .
En application des articles L3121-11 et L3121-12, 1° du code du travail Les contreparties des astreintes sont fixées
ou par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement ou, de branche ;
ou, à défaut d’accord, par l’employeur après avis du CSE et information de l’agent de contrôle de l’inspection du travail.
Le planning individuel doit être fourni au salarié et suffisamment de temps à l’avance.
Rappel de décisions antérieures :
Est temps de travail effectif :
Cass. soc. 15-2-1995, n° 91-41.025 : les heures d’astreinte effectuées sur le lieu du travail par les veilleurs de nuit d’une maison de retraite et durant lesquelles les intéressés doivent rester en permanence à la disposition de l’employeur
Cass. soc. 9-11-2010, n° 08-40.535 un salarié assurant une permanence la nuit continue de sécurité 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24,
Est une astreinte :
Cass. soc. 27-6-2012, n° 11-13.342 les permanences de nuit assurées par le salarié d’un hôtel, tenu de rester sur son lieu de travail afin d’intervenir en cas de nécessité mais bénéficiant d’un logement de fonction lui permettant de vaquer à des occupations personnelles