Un point de droit pour la justice des enfants :
Un placement…au domicile d’un des parents… :
La cour de Cassation a rendu un avis sur la question Cass., avis, 14 févr. 2024, FS-B, n° 23-70.015
La Cour de cassation a reçu, le 16 novembre 2023, une demande d’avis formée le 29 juin 2023 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Moulins, qui a le mérite de faire du droit dans cette matière où les services éducatifs « innovent ».
Selon l’article 375 du code civil « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice »
Selon l’article 375-2 du code civil « chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel » (résidence habituelle avant la saisine du juge).
L’assistance en milieu ouvert permet au juge de désigner « soit une personne qualifiée, soit un service d’observation, d’éducation ou de rééducation en milieu ouvert, en lui donnant mission d’apporter aide et conseil à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu’elle rencontre ».
Le placement d’un enfant est une mesure extrême : le juge des enfants peut décider de confier un enfant pour sa protection à d’autres personnes que ses parents et, notamment, à un service départemental de l’aide sociale à l’enfance (C. civ., art. 375-3, 3°) ou à un service ou établissement habilité pour l’accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge (C. civ., art. 375-3, 4°).
Donc le juge peut laisser l’enfant dans son milieu habituel ou l’en retirer.
Certaines juges décident de placer l’enfant au domicile de l’un des parents…cela semble parfaitement paradoxal.
L’avis rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 14 février 2024 porte sur cette pratique, l’avis lui-même évoquant « une pratique, connue sous diverses appellations, qui s’est développée dans de nombreux départements, notamment à l’initiative de services de conseils départementaux pour répondre à des objectifs variés. »
Ce placement est souvent ordonné par le juge des enfants dans le cadre d’un placement à l’ASE, sur le fondement de l’article 375-2, 3°du code civil, l’enfant sera confié à l’Aide sociale à l’enfance qui le « place» dans sa famille.
Plusieurs motivations peuvent être avancées : premier placement puis amélioration de la situation familiale, échec du placement, manque de places dans les structures, un retour au domicile familial envisagé en maintenant le placement avec un élargissement à l’extrême du droit de visite et d’hébergement des parents sur le fondement de l’article 375-7 du code civil ou même, malgré le danger, quand le retrait de l’enfant en très bas âge de son milieu familial lui serait plus néfaste que son maintien, etc.
Il y a bien un non-sens : l’enfant est en danger et le niveau de protection exige un retrait du milieu familial au profit d’un tiers à qui l’on ordonne de replacer l’enfant au domicile….
Si la protection de l’enfant peut être assurée en le maintenant dans son environnement familial avec l’intervention de tiers, alors le juge ne doit pas ordonner une mesure de placement mais bel et bien une mesure d’AEMO.
« Une telle mesure ( placement au domicile d’un des parents) ne répond pas à l’objet et aux conditions de mise en oeuvre de ce texte, dont découle un régime juridique spécifique, et notamment les règles relatives à la responsabilité civile encourue par le gardien désigné pour accueillir l’enfant. »